samedi 8 juin 2013

Ah c'qu'on rigole !

Il arrive parfois dans mon dur métier de bibliothécaire, que j'ai affaire à des lecteurs, comment dire, dont on se souvient longtemps...

Ainsi un certain lecteur qui ploie sous un havresac capable d'emporter le vivre et le couvert, voire l'habillement et la chapellerie pour une semaine au moins. 
Il farfouille à l'intérieur sans rien en sortir.
 
C'est dur, il y trempe son bras jusqu'à l'épaule, fouille et refouille, me fait un sourire crispé à moi qui attend patiemment qu'il me sollicite en quoi que ce soit.
Au bout d'un intervalle plus ou moins long (très long en fait), il extirpe des abîmes de la chose, une pauvre carte de bibliothèque toute fripée en exhalant un "Aaaaah" de soulagement.
Certes.
Mais alors je fais quoi moi avec sa carte solitaire ?
 
C'est que pour rendre les livres - dans un monde idéal- voyez-vous, il me faut les livres D'ABORD, avant la carte ! 
 
Pendant toutes ces recherches j'aurais pu, moi, les "rentrer", gagner un peu de temps en somme. 
 
Il fait "ah oui !" et commence à sortir un par un des livres qui accrochent le bord du sac, se perdent dans les plis, retombent, s'ouvrent, se plient... et moi j'attends. 
J'attends. 
Et j'attends. 
Il est inutile d'essayer de l'aider, d'ailleurs il ne demande rien, il s'escrime tout seul... avec ses deux mains gauches.
 
(Si j'ai appris une chose depuis le temps, c'est de ne jamais mais alors JAMAIS ouvrir un quelconque sac à la place de son propriétaire... on ne sait jamais ce qu'on pourrait y trouver. 
Croyez-moi, je ne vous raconte pas tout !)
 
Derrière lui la file s'allonge, des lecteurs modèles (ou simplement habitués !!!) avec leurs livres ET leurs cartes à la main, un tantinet énervés, de plus en plus énervés, exhalant force soupirs, fronçant les sourcils...
 
Lorsqu'enfin tous les livres sont découverts, la carte lue, il se peut (C'est probable. Même certain...) qu'il en reste UN sur la carte... 
Où est-il ? 
Perdu ? 
Coulé corps et bien dans les profondeurs du sac ? 
Oublié ?
(la file derrière lui trépigne, un lecteur tourne les talons nerveusement.)
"Aaah eeuuuuuh" fait mon lecteur les yeux au ciel... puis écarquillés : 
"Siiiii je sais ! je l'ai oublié au refuge !"
Au refuge. 
Bien bien bien, d'où l'énorme sac et l'aspect, comment dire, poussiéreux des livres. 
"Ah mais j'y retourne pas" articule-t-il déconfit et sans doute réellement navré.
 
Cet épisode vous a semblé long ? 
Pas autant qu'à moi je peux vous l'assurer et certainement pas autant qu'à la file de lecteurs que j'ai fini par prendre très très vite après lui !!! 
 
Ce lecteur randonneur et distrait nous a racheté le livre perdu évidemment, mais ce n'est pas sans un frisson d'angoisse que nous le voyons revenir... 
Nekita
 

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